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les saisons du vent
22 janvier 2008

il y a toujours pire

je me suis plaint il y a peu de temps d'une de mes collègues,une aide-soignante;

bien sûr,elle a encore sévi...son ton sec et ironique a encore fait verser des larmes chez de petites grands-mères;
mais j'ai établi maintenant que cela se passait plus souvent quand madame avait ses ragnagnas + des bouffées de chaleur,ce qui,en cette période de pré-ménopause,lui arrive encore assez souvent mais pas toujours (ce qui me donne du répit tout de même)

oui mais voilà,j'ai eu pire: une enragée.
c'était quelqu'un en remplacement,une AS passée depuis peu de nuit,qui avait fait 20 ans de réa.
la 1ère chose qu'elle me dit: "je sais masser"
je réponds "ah...c'est bien"...tout en pensant qu'il y avait peu de chance comme au loto,que cela lui arrive ici,vu qu'en l'absence de machine qui bipe,les arrêts cardiaques-s'ils arrivent- ont le temps de s'arrêter et même de refroidir...à moins que cela se passe sous nos yeux,ce qui est d'une rareté très souvent très rare.
une femme à la quarantaine finissante,encore très jolie,à la voix de fumeuse très rauque, mais pleine de violence contenue.

et va z'y que je critique tout le service,les locaux,le matériel...le portable à la main,elle s'est mis à photographier tout ce qui était dérangeant:
les poubelles pleines et dégorgeantes,les bassins pleins de pipi oubliés devant le lave-bassin par terre,les plats idem oubliés dans les chambres (mais pas par terre)....bref,que du banal dans ce service,où parfois c'est vraiment le super bazar
-"qu'est-ce que c'est ça ???....mais c'est le Bronx ici !!!"
voilà ce qu'elle disait,en rajoutant: "demain,je vais à la direction montrer tout ça!!!"
son portable-appareil photo avait beau être super high-tech,(on voyait nettement le papier toilettes made in hôpital surnageant sur du beau pipi jaune),je me disais que la direction lui rirait au nez en lui disant que cela pouvait être elle qui avait monté tout ça...
alors je me taisais et la laissais dire:qu'elle déverse sa bile sur ça et pas sur moi,j'ai déjà mal à la tête.

ce genre de personne qui braille beaucoup,brasse beaucoup de vent aussi:du coup,j'ai dû faire le boulot que normalement ma collègue fait,ce qui m'a mis en retard pour le mien.

mais après elle s'est planté à côté de moi en disant:
-"en réa,je faisais les perfs (et les piqûres,et les prise de sang et .....),je vois que tu es en retard (!)je vais t'aider (dit sur un ton royal)
que faire ?
le problème de la nuit,c'est qu'on vous balance quelqu'un pour 10h30 sans se soucier si le tandem est sécurisant pour les 25 malades:c'est l'infirmière,responsable de tout,même si elle a un boulet incendiaire au pied.
concernant cette fille à problèmes,procédurière au possible (elle m'a conté ses exploits) un dilemme s'imposait:
si je lui disais non,elle devenait un électron libre:elle se planquerait quelque part (pour fumer...je dois aller dehors?),serait même capable de me nuire sciemment.
si je lui disait oui,sa vanité en serait flattée,et comme le corbeau dans la fable,tout vaniteux vit aux dépens de celui qui le flatte.
devant l'imprévisibilité d'une personne ne sachant pas où était sa juste place,agressive,devant la nuit qui m'attendait et celle d'après,devant l'indifférence du cadre ("elle vient de réa quand même!!"),j'ai lâchement biaisé.
je lui ai donné à préparer un antibiotique facile à préparer;
je me suis dépêchée de faire les autres,comme j'ai acquis une certaine rapidité,j'ai eu fini avant elle.
elle a fait quelques piqûres sous-cutanées (niveau 1ère année d'élève) pendant que je courrais faire les injectables.
bref,elle a fait 10 % de mon travail,pendant que je stressais à 90% sans le montrer.
elle était contente,je suis remontée dans son estime
et moi j'ai baissé dans la mienne.

c'est vrai quoi,j'aurais dû faire ou être....
les psys,je les sens à des kilomètres,et je m'en méfie beaucoup,et j'essaie de les éviter,je les fuis.
mais là,devant cette cohabitation,j'ai fui dans la lâcheté diplomatique.
et je l'ai fait parler d'elle,pour qu'elle se détende et bosse un peu quand même....ce qu'elle a fini par faire.

parmi les sujets abordés:
-les procès intentés contre son ex-mari et son ex-chef mais à nouveau futur chef de la réa (c'est pour ça qu'elle en était partie)
-les conflits avec des ex-collègues (qui sont vraiment tordus,pas comme elle)
-son opinion de "raciste intelligente" (sic)
-son allergie à un composant de la blouse classique du personnel soignant,ce qui fait qu'elle a eu l'autorisation spéciale (du directeur of course) de porter en toutes circonstances la tenue seyante des personnes du bloc ou de la réa (tunique-pantalon d'un beau bleu)...sûr,c'est mieux que le blanc
-l'amour du bleu a fait qu'elle ne pouvait travailler sans gants bleus (gants en vinyl pour ceux qui sont allergiques au latex),
j'ai vite couru à la réserve pour lui trouver une boîte,sinon elle ne touchait pas les malades.
-sa beauté personnelle ("à 20 ans j'étais à tomber..."),son succès auprès des hommes,notamment des médecins:"t'as vu,l'interne n'en a que pour moi..."
évidemment,ce cornichon ébloui par sa blondeur,(il l'a dragué comme un collégien),l'a prise pour l'infirmière,j'ai laissé dire...comme quoi,l'habit fait vraiment le moine...
à un moment,elle a fini par me désigner comme l'inf' et lui,interdit qui me dit "ah bon ??...mais je croyais que c'était l'autre..." (soi-dit en passant,blondeur ou pas,habit bleu ou pas,la fonction aide-soignante a dû lui sembler plus que déméritoire,puiqu'il s'est aussitôt désintéressé d'elle)
je lui ai répondu "ça doit être une question de couleur sans doute..."
il n'a pas compris.

du côté des malades,sa voix rauque et autoritaire faisait un de ces effets:ils lui jettaient de ces regards (craintifs),oui madame,non madame...un vrai sergent-major.
il y en a un qui a semblé hermétique à son charme vénéneux:un peu dément,il vadrouillait dans le couloir et il l'a traité de connasse,ce à quoi elle a répliqué par un tonitruant "allez vous faire voir !!":à 4 heures du matin,c'est d'un mélodieux...
sûr qu'en réa,les malades causent moins et sont plus obéissants.

la 2ème nuit,j'ai eu droit à un peu plus de coopération,plus de souplesse
quoique,à son arrivée,elle avait incendié l'infirmière de jour (pour l'histoire des bassins pleins de pipi),qui est venue me chuchoter (elle en avait peur) :"elle est avec toi cette cinglée? comme je te plains!!!"

j'ai continué à la faire causer dans la nuit,histoire de la détendre toujours.
j'ai appris que son fils unique,père de famille,avait fait son coming-out,et que maintenant elle s'était habituée à le voir avec un copain....mais que bon,ça la faisait encore souffrir.
j'ai appris que sa mère était Alzheimer et que ça causait beaucoup de problèmes pour la gérer,surtout qu'elle n'arrêtait pas d'évoquer quelque chose,un secret de famille....
alors,elle m'a parlé de son père.
elle m'a raconté que son père faisait partie de la Gestapo (oui,oui,j'ai eu droit à des détails cohérents),et comment son passé (qu'il ne reniait pas et que tout le bourg connaissait),avait pesé lourd sur son enfance:secret lourd dont elle n'a eu réellement connaissance que vers ses 11 ans.
elle s'était donc construite entre ce père difficile à vivre (qui l'élevait à la dure),le regard des autres,l'ostracisme des gens,une mère dépressive,des frères rendus fragiles par le "secret"..

cela m'a enfin éclairée sur sa façon d'être.

j'ai compris....mais j'ai souhaité ardemment qu'elle ne revienne plus jamais:trop fatigant,vraiment trop.   

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Commentaires
P
"les psys,je les sens à des kilomètres,et je m'en méfie beaucoup,et j'essaie de les éviter,je les fuis"... ça vaut seulement pour votre vie professionnelle ou pour votre vie en général? <br /> <br /> Non, parce qu'étant donné qu'on estime les personnes souffrant d'une affection psychiatrique à environ 15% de la population, vous devez éviter pas mal de monde. Et je ne parle que des malades mentaux officiellement estampillés; nombre d'autres ne "vont pas bien dans leur tête" - et peuvent être de redoutables emmerdeurs - sans pour autant être techniquement "psy" (Dieu que je déteste ce mot. Il pue le mépris, et il m'étonne de vous).<br /> <br /> Dans un autre registre... c'est hallucinant à quel point cette description me rappelle ma tante, "psy" s'il en est, et emmerdeuse s'il en est. Qui n'est pas AS ni mère, donc ça ne peut pas être elle, mais elle doit avoir des clones.
G
Alors comme ça... un interne peut draguer une infirmière mais ne s'abaissera pas à draguer une AS?... Arcanes de la hiérarchie en milieu hospitalier... C'est vraient un autre monde.
E
rah lala en effet des personnes comme ca...usantes...et ce, aussi bien pour les patients que pour les soignants...
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